La grossesse n'est pas un passage, c'est une transformation profonde. Il n'y a pas de retour en arrière après une grossesse, mais une marche en avant vers l'inconnu. Une fois l'heureuse nouvelle annoncée, toute la conception de la vie du couple doit être révisée afin que chacun découvre sa nouvelle place et s'y adapte ; la gestion des émotions est au coeur du sujet. L'accompagnement du sexologue est crucial dans la préparation de la grossesse, le temps de la grossesse et le post-partum afin de créer les meilleures conditions et soutenir le couple dans cette découverte.
C'est souvent un chamboulement, parfois un tsunami, et pour répondre à toutes vos questions l'équipe de la très jolie marque Daylily (spécialiste des cosmétiques et soins de la maternité) m'a demandé de parler en détail de toute ce qu'il faut savoir.
Lorsque vous recevez des futures ou jeunes mamans, quel motif de consultation revient le plus souvent ?
Principalement le stress de la grossesse, et la culpabilité vis-à-vis de leur compagnon. Beaucoup de femmes se sentent « écartelées » entre leur état, ce qu’elles avaient l’habitude d’être et de faire chez elles avant, et ce que la grossesse les « contraint » à être, ou ne plus faire. Par exemple la fatigue est un vrai sujet. Si vous ne savez pas écouter votre fatigue, vous culpabilisez de ne plus être Wonder Woman, vous commencez à vous reprocher des choses. C’est là que ça se corse. Une femme qui se fait des reproches ouvre la porte aux reproches des autres et, se condamne ainsi à recevoir des messages qui vont dans le sens de « tu devrais te reposer » (qui sont à la base bienveillants) qu’elle va entendre sous la forme de « tu n’es pas capable » et vont engendrer un cercle vicieux de culpabilisation.
Alors que la grossesse est un moment où la femme doit impérativement prendre le temps d’être à l’écoute de son corps. C’est un apprentissage de sa future vie de mère. L’écoute que l’on développe vis-à-vis de soi pendant la grossesse permettra ensuite de savoir retrouver sa place de femme dans son couple, et ne pas se laisser déborder par sa place de mère… Sans oublier celle de compagne.
La grossesse a-t-elle nécessairement un impact sur la sexualité ?
La grossesse est un changement profond. Changement de position sociale, on n’est pas encore mère mais on perd ses repères de femme, et on découvre l’ambivalence d’être aussi « fille de sa mère » et « future mère ». C’est un sacré chamboulement de l’ensemble des rapports affectifs.
Ensuite il y a toute la partie hormonale qui se joue un peu à pile ou face, certaines femmes se redécouvrent avec une énergie décuplée d’autre complètement bouleversées. Avec un impact plus ou moins fort sur la libido.
Enfin il y a la partie biologique et médicale. Et vous vous rendrez compte que l’on ne parle, en général que de celle-ci. Cette partie est gérée par le soignant, gynécologue ou sage-femme, mais c’est la combinaison des trois qui aura un impact sur la sexualité car la sexualité est une construction qui vient de notre histoire familiale, personnelle, sociale et de notre rapport à notre corps physique, biologique et esthétique.
Une fois le cadre posé on a du mal à imaginer que la grossesse ne puisse pas avoir d’impact sur la sexualité. Qu’il soit positif ou négatif il y en a toujours un.
En revanche il est complexe à dépister.
Si la conscience de soi n’existe pas avant la grossesse, la grossesse ne sera qu’un état provoquant des situations de mal-être supplémentaires dans la vie de la femme, et dont elle aura plus ou moins conscience sans pour autant y prêter attention. Nous avons l’habitude d’entendre ces phrases catastrophiques « c’est la vie ! », « on est toutes passées par là ! ». Alors que non, ce n’est pas « la vie » de souffrir, et non « on » n’a pas à en « passer par là ».
Mais socialement, l’accompagnement est gynécologique, les femmes ne savent pas toutes qu’il y a d’autres sujets à surveiller, nous (et je ne le savais pas non plus lorsque je suis devenue maman) subissons beaucoup notre grossesse au filtre des injonctions sociales et médicales, et du niveau d’information que l’on a pu avoir. Si vous ne cherchez pas par vous-même, le système ne vous propose que très rarement l’accompagnement d’une Doula, d’un praticien en aptonomie ou d’un sexologue.
Quels sont les principaux blocages des femmes ? Et des hommes ?
Je ne dirai pas « blocage » mais changements de ressenti et ces changements existent chez les hommes et chez les femmes.
C’est une redécouverte identitaire pour tout le monde qui va avoir des conséquences sur l’intention que l’on met dans l’acte sexuel.
Est-ce que j’ai encore envie dans un premier temps ?
Est-ce que j’accepte ce changement d’envie ou bien est-ce qu’il provoque un état de mal-être pour moi ? (frustration, colère, tristesse, culpabilité).
Enfin qu’est-ce que je recherche dans ma sexualité : envie de me connecter à toi ou envie que tu t’occupes de moi ? Est-ce un moyen de créer un moment d’union ou d’aller chercher du réconfort ? Et donc, est-ce qu’une femme enceinte peut répondre à ce genre de demande ? En a-t-elle envie, besoin, alors qu’elle-même subit parfois les conséquences émotionnelles de la grossesse sans se comprendre.
Au final ce sont exactement les mêmes sujets qu’hors grossesse mais la grossesse crée un drame autour de ces sujets car elle les met souvent en lumière. Elle oblige à les regarder en face. Et cela peut aller crescendo après la naissance, puis le second enfant. Une fois le dernier enfant sorti des couches en apprentissage de l’autonomie, je reçois beaucoup de couples qui réalisent que l’évolution des rapports a été marquée par la grossesse, nous faisons alors un travail sur le ressenti réel des grossesses a posteriori, et nous y trouvons souvent l’origine de la perte de libido. En sexologie cela s’appelle le syndrôme Waynberg d’ailleurs.
Après l’accouchement, est-ce qu’il y a un certain délai à respecter avant d’avoir des rapports ? (Quid d’une césarienne, d’une épisiotomie, d’un accouchement par voie basse)
Justement, c’est la suite logique de votre question précédente. Il y a les contre- indications médicales préconisées pas votre gynécologue ou sage-femme.
Et il y a les contre-indications sexologiques.
En sexologie humaniste dès la déclaration de la grossesse et jusqu’à 18 mois après la naissance nous accompagnons les couples autour d’une philosophie particulière.
On ne fait l’amour que si la femme le demande. Point.
Interdiction de quémander, se vexer, se mettre en colère autour de ce sujet, c’est un non sujet.
Dans un couple accompagné, la sexualité et l’expression des besoins de chacun ne constituent pas un problème et ne créent pas de problème, car personne ne fait peser ses besoins sur l’autre. Chacun sait s’écouter et se gérer, la sexualité est une conversation parmi tant d’autres dans laquelle on sait dire oui, non, peut-être et où personne ne se vexe.
Pour mieux comprendre, au lieu de regarder la grossesse comme un miracle de la nature, je vous propose de la regarder comme un miracle du développement personnel. La grossesse est un moment clef, comme je l’ai expliqué plus haut, à cela je rajouterai le concept de femme active. Tout ce que la femme est active à l’intérieur sur le plan physiologique, émotionnel, psychique, nerveux, hormonal, l’homme doit l’être extérieurement sur sa capacité à être le relais efficace du quotidien afin de créer un équilibre. La femme est suffisamment active à l’intérieur d’elle-même pour avoir le droit d’être en paix avec ses besoins et les besoins de l’autre. La femme enceinte n’est pas passive lorsqu’elle se repose et il est nécessaire pour elle de se reposer et de l’accepter. Une jeune femme qui a passé les premières années de sa vie de couple à tout prendre en charge, à travailler, s’occuper de la maison, et prendre soin d’elle, à être toujours disponible pour son compagnon, va se trouver face à un obstacle complexe une fois enceinte. Peut-elle continuer sur cette voie, dans son état, sans être épuisée ?
Le couple accompagné par un sexologue en préparation de la grossesse et pendant la grossesse va pouvoir travailler sur les capacités individuelles de chacun à être responsable de lui et de ses besoins. Ne pas en faire trop, ne pas se laisser dévorer par sa culpabilité, ne pas se laisser contrôler par son perfectionnisme, ne pas se laisser malmener par son besoin de reconnaissance…
Car une fois l’enfant né, l’objectif du couple est de faire de la place à l’enfant pour favoriser son développement psychomoteur et affectif, d’ailleurs nous encourageons l’allaitement et accompagnons aussi le couple dans cette démarche. Le temps familial vient s’ajouter aux différents temps de la journée, il faut de la place pour tout le monde et savoir être à l’écoute de tout le monde. De soi, de l’autre et de l’enfant. Si vous n’avez pas appris à commencer par faire de la place pour vous, quelle sera votre place dans ce foyer ? Quelle place donnerez-vous à l’enfant ?
Que diriez-vous à un couple qui s’inquiète de ne plus avoir de rapport depuis la venue de leur bébé ?
Je dirais que si cela ne crée pas de mal-être, tout va bien.
Si cela crée un mal-être, alors il faut repenser à sa place dans le couple et dans le foyer. C’est la seule question à se poser. Quelle est votre place de femme aujourd’hui dans votre vie ? Quelle est votre place d’homme aujourd’hui dans votre vie ?
Comment voulez-vous avoir de la place pour le désir de vous connecter à l’autre si vous êtes totalement déconnecté.e de vos propres besoins ?
La place de femme n’est pas la place de compagne ou de mère, de même, la place d’homme n’est pas la place de compagnon ou de père.
A partir de là, votre sexologue saura vous accompagner pour vous aider à retrouver votre place d’Homme et de Femme, identifier vos besoins et trouver votre équilibre dans votre vie de famille et votre vie de couple.
Vous dites que devenir mère est un moyen pour une femme de se connaître, de réussir à s’affirmer. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Devenir mère c’est connaitre sa place de femme, et savoir la préserver sans honte, ni colère, ni culpabilité ;) Mais comme vous l’avez vu ça fonctionne aussi avec devenir père !
À quel moment préconisez-vous de prendre rdv chez une sexologue ?
Dès qu’il y a dans le couple des sensations de honte, colère, culpabilité qui créent un mal-être chez l’un ou l’autre des partenaires.
C’est l’individu qui se rend compte que quelque chose le gène et souhaite y travailler. Il faut que les gens se sentent prêts et ouverts à cette façon de penser. Rien n’est grave dans l’absolu si on en prend conscience et que l’on se donne les moyens d’y travailler. Parfois on n’est pas prêt, ce n’est pas le moment pour soi, et c’est ok. On peut avoir besoin d’essayer seul, de vivre certaines choses pour réaliser que l’on a un souci, c’est ok aussi. Mon rôle n’est surtout pas d’ajouter une injonction supplémentaire, mais d’informer afin que les personnes qui ont besoin sachent qu’il y a des solutions. C’est d’ailleurs ce que je fais sur mon compte Instagram, je donne beaucoup de conseils gratuits et, parfois, au bout de 6 mois, un an, les gens m’appellent et me disent Laure, ça y est c’est le moment je suis prêt.e à me lancer. Et c’est top, c’est une vraie décision avec l’envie de s’y mettre. Du coup j’accompagne beaucoup de gens en zoom en plus de mon cabinet à Marseille. On n’a plus de limite, Bretagne, Paris, Lyon, de la Suède aux Etats-Unis, avec zoom on trouve toujours un moment pour faire nos séances et ça marche aussi bien que ce soit en couple, en individuel, ou pour les personnes célibataires.
Nous avons relevé quelques questions qui reviennent très souvent, pourriez-vous y répondre ? : est-il possible de faire mal au bébé lors d’un rapport ? L’utilisation d’un vibromasseur enceinte peut-elle être nocive ? Est-ce qu’il y a des pratiques et positions à éviter ? (Vous pouvez ajouter les questions que l’on vous pose fréquemment).
La sexualité étant naturelle, il n’y a aucune contre-indication, sauf contrordre du médecin pour des raisons de santé de maladies connues ou de problèmes anatomiques particuliers.
Un petit vibromasseur peut même aider à faire des massages d’assouplissement du périnée pour préparer l’accouchement, donc tant que les choses sont faites dans le plaisir, le respect de soi et de l’autre, en regard des problématiques médicales individuelles, il n’y a pas de contre-indications. Les positions à éviter sont celles qui vous gênent ou qui sont douloureuses, si c’est le cas il faut pouvoir en parler avec votre partenaire, et c’est aussi là que la consultation sexologique peut être recommandée, faciliter le dialogue autour du plaisir, du désir et des pratiques est un accompagnement traditionnel
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